Certains soldats américains qui bénéficiaient d'une bourse du G.I.'s Billaprès la seconde guerre mondiale sont venus à Paris pour participer à l’intense activité artistique de la capitale. On retrouva ces soldats notamment à l’atelier d’art abstrait de Jean Dewasne et Edgard Pillet, sur ce nouveau front de défense de l’art abstrait.
Un de ces soldats arrive en 1949 avec son épouse, du nom de Shirley Jaffe qui avait suivi ses études à la Cooper Union Art School de New York. Cette jeune artiste est proche de l’expressionnisme abstrait, et des artistes américains ou canadiens résidant à Paris tels que Sam Francis, Kimber Smith, Jean-Paul Riopelle et Joan Mitchell.
Dans les années soixante, son travail évolue vers une simplification, la recherche d’éléments qui ne répondent pas aux caractéristiques de l’art géométrique mais davantage à la recherche de structures et de rythmes.
Shirley Jaffe n’est pas une artiste qui se livre facilement et tend plutôt à refuser l’obstacle si on lui demande un entretien. Il faut donc redoubler de patience, d’obstination pour avoir le privilège de l’écouter parler de son œuvre :
« La dispersion que je vois dans la ville et que je fais rentrer dans mes tableaux, déclare-t-elle, n’a pas d’objet central. L’ensemble des formes est éclaté sur la surface, comme un chaos organisé, comme un jeu visuel complexe (…) qui correspond à ma vision du monde, aux rythmes que je recherche. En ville, je trouve à tout instant cette nourriture visuelle. Toute ma curiosité marche avec cette dispersion et cette dislocation ».
Shirley Jaffe poursuit inlassablement cette interrogation sur le réel, au travers d'une abstraction expérimentale, dans son atelier laboratoire. Formes simples dessinées mais non géométriques, choix des couleurs, participent à un tableau lisible sur un seul plan et qui se dérobe à la classification. Les observateur ne sont pas privés de comparaisons avec d’illustres exemples, de Kandinsky à Matisse, mais toujours Shirley Jaffe s’échappe et garde sa part de mystère. Refusant de se retrouver cataloguée dans tel ou tel mouvement, elle poursuit avec rigueur une œuvre qui cependant n’a rien d’austère et offre, d’un tableau au suivant, une explosion de couleurs, de rythmes et de mouvement
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