Dès sa jeunesse, Daniel Dezeuze manifeste son désir d'ouverture sur le monde. A vingt ans, il assume la direction d'une Alliance Française en Espagne dans les Asturies. Suit une bourse du Mexique à l'Université de Mexico (Département d'Architecture et d'Urbanisme) en 1964-65. Retour en France et nouveau départ pour l'Amérique du Nord. Il découvre la peinture américaine dans sa réalité vivante. Puis son service militaire l'entraîne à Toronto au Canada.
C'est pourtant au cœur d'une histoire bien française qu'il s'est retrouvé plongé. Membre fondateur du groupe "Supports/surfaces", aux côtés de Cane, Viallat, Saytour, notamment, Daniel Dezeuze a apporté la rigueur de sa recherche a propos de ce questionnement général sur la peinture, de cette remise à plat radicale. Si bien que depuis cette année 1967 où il présente « Châssis avec feuille de plastique tendue », alors que cette même année féconde le groupe BMPT exprimait lui aussi sa vision radicale de la peinture, l'histoire de Daniel Dezeuze reste ancrée sur cette toute première proposition.
Quarante sept ans plus tard, l'exposition de la galerie Daniel Templon témoigne de cette incroyable opiniâtreté : faire du châssis originel le support permanent à toute interrogation sur l'art. Même si au cours de ce demi-siècle quelques digressions sont intervenues, par exemple avec le travail sur les outils de cueillette et les armes, ce châssis omniprésent s'impose comme la trame permanente du travail de Daniel Dezeuze.
Avec son exposition «Battements, chemins», l'artiste explore de nouvelles voies inspirés de la philosophie chinoise. Les battements font écho à ceux du cœur, «diastole», «systole». « L'exposition toute entière résonne de cette dualité proche du Ying et du Yang." Les Tao-taillis évoquent densité, entrelacements, turbulences. Par contre les Icônes suggèrent une vision d’ordre géométrique». La série «Tsimtsoum» de bois entrelacés, rétractés ou dilatés, fait référence au concept de la Kabbale et au processus précédant la création du monde selon la tradition juive : Dieu se retire pour permettre l’existence d’une réalité extérieure à lui, et créer le monde. La série «Ailes de papillons » au contraire, entre saturation chromatique et légèreté de la couleur, traduit la vie dans son battement.».
Ces variations sur le châssis confirment la vocation de support initial : à l'instar de la "forme Viallat" déclinée à l'envi depuis l'origine, ce support qui identifie l’œuvre de Daniel Dezeuze contribue à évoquer des cultures venues d'ailleurs.
Si bien que, pour les artistes qui se sont liés dans cette histoire courte mais marquante de "Supports-Surfaces" , deux grandes pratiques se sont affirmées dans la durée : celle qui, avec Daniel Dezeuze ou Claude Viallat notamment, a poursuivi jusqu'à aujourd'hui, le questionnement posé dans les années soixante et celle qui, avec Louis Cane et Jean-Pierre Pincemin, une fois franchie la période de travail collectif, s'est employée à explorer l'histoire de la peinture par d'autres moyens, dont celui de la figuration.
Dans ses toutes premières propositions sur le châssis, Daniel Dezeuze, avec cette rigueur proche de l'austérité, nous interpellait sur cette peinture chauffée à blanc. Aujourd'hui, il se sert de ce châssis pour explorer à sa manière les cultures d'autres civilisations et pour confirmer que cette trame définit le fil conducteur de sa vie d'artiste.