Né en 1921 à Lille Décédé le 23 Juillet 1999 Membre de l'Institut.
En 1950, alors que Jean Dewasne poursuit la tâche exaltante de créer un langage plastique neuf, sa volonté d'obtenir une technique proche de l'industrie l'amène à s’éloigner des habitudes de la peinture traditionnelle et à choisir des matériaux nouveaux (peintures glycérophtaliques, laques, émail à froid, Ripolin) et des supports inhabituels (contreplaqué, métal). Ultime point de rupture, il utilise la peinture au pistolet ce qui fait de lui un précurseur sur ce plan technique. Il vient même l’année précédente de théoriser son orientation dans le « Traité de la peinture plane » .
L'homme que je rencontrai il y a une quarantaine d'années, cachait derrière une voix douce et lente une détermination qui s'était déjà fortement vérifiée dans le monde de l'art. Nullement prêt aux compromis ni aux compromissions, il avait déjà rompu avec le salon des Réalités Nouvelles ( dont il contribua à organiser la première édition en 1946 ) dans une lettre où il assénait :
« Le dit salon a été crée pour défendre l’art abstrait mais non pour défendre des conceptions idéalistes ou spiritualistes contre des conceptions matérialistes, ni des théories esthétiques comme celle de l’art pour l’art à l’exclusion de tout autre ; et réciproquement d’ailleurs. Je ne puis accepter cette réduction de ma liberté de pensée au sein de notre association ainsi que celle d’autres membres de la société. »
Si son œuvre est associée à l'abstraction géométrique, je garde de son témoignage personnel qu'il préférait évoquer une "abstraction précise" davantage qu'une abstraction géométrique. Il suffit d'ailleurs d'observer ses tableaux pour vérifier que les formes strictement géométriques sont peu présentes.
Edgard Pillet secrétaire général de la revue Art d'aujourd'hui, et Jean Dewasne fondent en 1950 l'Atelier d' art abstrait au 14 rue de la Grande Chaumière à Montparnasse. Au sortir de la guerre, les anciens combattants américains disposent de bourses pour venir étudier en Europe. Certains utilisent ces aides pour bénéficier de formations sur l’art. L’atelier d’art abstrait les attire et connaît un rayonnement international: conférences techniques et philosophiques auxquels les acteurs du monde de l’art participent. On organise des visites d’atelier, des discussions sur le travail des élèves. Ensemble, ils forment un grand nombre d’artistes et intellectuels venus du monde entier, principalement d’Amérique latine et des pays scandinaves.
Malgré cet engagement collectif, l’œuvre personnelle de Jean Dewasne échappe aux catégories de l'abstraction, notamment à celle de l'abstraction géométrique directement issue de "Cercle et Carré", pour approfondir une recherche qui ne peut être assimilée à celles des autres peintres de son époque. Aurélie Nemours, Luc Peire, Gottfried Honegger notamment tendent vers une abstraction dont l'exigence peut être vue, pour Dewasne, comme une intransigeance dans laquelle il ne se reconnaît pas. D'autres, comme Agam ou Vasarely s'orientent vers un art optique qui ne lui ressemble pas. Jean Dewasne tient à sa liberté dans cette recherche d'une abstraction certes construite mais hors de ces courants dominants. Son périple dans l'abstraction de son temps restera comme une traversée en solitaire. CG
Dans ce module vidéo, nous retrouvons Jean Dewasne dans son atelier du marais.
Chronique
Durée: 13'15"
Année édition module:1996