Né en 1928 à Paris Décédé le 24 mars 2005 à Paris.
Lorsqu'il entre au comité du salon de la Jeune peinture en 1964 puis quand il devient son président un an plus tard, le peintre Gilles Aillaud est à la tête d'une bande de "putschistes" car ces jeunes artistes trublions ont poussé dehors une vieille garde d'artistes figuratifs, et tous marqués par une orientation d'extrême gauche, ils effectuent alors leurs choix artistiques en fonction de critères politiques : Eduardo Arroyo, son ami, explique que sous l'influence de Gilles Aillaud, théoricien du groupe, l'important était de "soumettre l'art à des préoccupations idéologiques plutôt qu'esthétiques". Le bulletin de la Jeune peinture devient désormais un instrument de lutte politique. C'est le temps de la "Salle rouge pour le Vietnam"
Pour Gilles Aillaud ce profil d'engagement militant très affirmé apparaît de nos jours au second plan au regard d'une démarche qu, à la même époque, prend une direction apparemment détachée des tensions du monde : le peintre représente des animaux seuls dans des zoos, enfermés dans des cages, derrière des grilles, des enclos, des verrières.. Cette facette de son travail marque aujourd'hui fortement l'image d'un artiste qui ne s'était pas privé de peindre avec ses amis Arroyo et Recalcati un ensemble de huit tableaux intitulé "Vivre et laisser mourir ou la Fin tragique de Marcel Duchamp". Plus tard, Aillaud s'intéressera à des paysages grecs et africains mais la période des animaux enfermés reste, me semble-t-il, le moment le plus fascinant de son œuvre. Python, panthère, ours blanc, ours brun,otarie, serval, rat de Hambourg, tous subissent le sort de ces animaux soumis à une «séquestration silencieuse et impunie».
L'absence de grilles ne cache pas pour autant la réalité de l'enfermement : bout de tuyau, bouche d’évacuation témoignent d'un environnement artificiel bien éloigné de la nature. Pourtant , aux antipodes de sa peinture militante dans laquelle le message politique s'exprime au premier degré, les toiles d'Aillaud sur ces scènes de zoo semblent conserver une apparente neutralité. C'est peut-être cette objectivité photographique qui peut générer le malaise chez l’observateur. Gilles Aillaud nous laisse seul face à une réalité dont nous devons assumer la responsabilité de juger. Avons nous si longtemps accepté l'idée du zoo comme lieu de plaisir pour les enfants, de découverte des espèces sauvages sans douter un instant sur les conditions de vie des animaux ? Faut-il admettre sous les vocables divers de parc zoologique, parc animalier, jardin zoologique la réalité coercitive dans laquelle des êtres vivants sont parqués pour le plaisir des hommes ? Le peintre ne se livre pas à un plaidoyer pour la liberté animale. Le peintre ne nous dit rien. Il saisit des scènes dans lesquelles des lions détenus dans quelques mètres carrés, des oiseaux réduits à voler dans un espace dérisoire nous font face: "Des animaux aliénés, déplacés, déportés, parqués, à qui on offre pourtant toutes les apparences de la liberté et de la sécurité. Voir les apparences de la nature d'où ils ont été retirés." écrit Jean Clair. A nous de prendre conscience de ce regard terriblement objectif.
Chronique
Disponible uniquement dans le DVD "La Figuration Narrative" Volume 1